Des réponses

Tout d’abord un grand merci à Christian, Anne, Roland, Daniel et Denis d’avoir écrit de très beaux commentaires qui sèment quelques points d’interrogation.

L’habit flatteur de l’écrivain me paraît un peu ample à porter. Je préfère me penser comme un amant de l’écriture, moi qui vole du temps pour aller la retrouver, pour me perdre et me retrouver avec elle.

Oui, Jean de la Ville de Mirmont m’a légué son imaginaire des départs que peuvent susciter encore aujourd’hui les quais désertés de Bordeaux. Et ses vers se prêtent particulièrement au personnage en partance, au début de l’histoire :

“… Ivres d’air et de sel et brûlés par l’écume,

de la mer qui console et qui lave des pleurs,

ils connaîtront le large et sa bonne amertume;

Les goélands perdus les prendront pour des leurs.”

Et au bout des mers qui ne sont pas infinies, se dressent le îles Marquises. En ce début de XIXe siècle comme depuis les temps immémoriaux, les hommes y vivent aux côtés d’un peuple de dieux presque aussi nombreux qu’eux. Ils honorent les dieux majeurs, Tanaoa, le premier créateur, Fatu Moana, le maître de l’océan, Atuana, celle qui engendre la vie, mais ils fréquentent aussi une foule de petits dieux aux registres spécialisés.

Ceux-là sont partout, dans certains rochers, dans les arbres et les eaux, dans les objets que l’on fabrique. On en craint certains, on en respecte beaucoup mais on peut aussi révoquer facilement ceux dont on n’est pas satisfait.  Ces dieux ne sont pas très exigeants. Ils ne demandent, comme tout homme, qu’un peu de partage.

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One Response to “Des réponses”

  1. DL says:

    Cher Serge!

    Merci de ta réponse; j’espère que, peu à peu, d’autres idées viendront s’ajouter, venant dautres têtes, d’autres expériences, d’autres vies…
    Je me permets d’insister sur les “religions” chamanistes originelles… Tu dis: “Ils honorent les Dieux majeurs, Tanaoa, le premier créateur, Fatu Moana, le maître de l’océan, Atuana, celle qui engendre la vie, mais ils fréquentent aussi une foule de petits Dieux aux registres spécialisés.”
    Je ne puis m’empêcher, enfant du vingtième siècle, de voir ces différents dieux comme autant de “petits Dieux” spécialisés semblables dans leur essence à celui qui m’a été enseigné, bon gré mal gré, avec le biberon, le Dieu Unique des Juifs puis des Chrétiens.
    Hors, quelque chose me dit que je ne suis pas là sur le bon chemin… Dans un film soviétique, “Sibériade”, on voit un homme de Sibérie (l’un des pays du chamanisme) abattre un arbre; cependant, il ne le fait pas de but en blanc… Avant cet acte, ni bon ni mauvais, il parle longuement à cet arbre; il lui explique qu’il va l’abattre, pourquoi il va le faire, comment… Ce serait un peu le tigre aux dents de sabre qui aurait attrapé un de nos ancêtres et lui aurait expliqué que son corps de carnivore, fait “comme cela” indépendamment de lui, avait besoin de manger le corps de cet homo rudolfensis… L’homme n’est pas en dehors du monde; il est dedans, dans la chaîne ininterrompue de ses molécules…
    Comment avoir accès, après des millénaires d’une vision religieuse autre, à un tel imaginaire que le “sauvage” des îles Marquises devait certainement considérer comme SA vérité?
    Amicalement,
    DL