Pourquoi ?

 “Un merveilleux malheur”, selon l’expression de Boris Cyrulnik, ne peut rester longtemps tu ni caché. Pour moi, il est la source de tout. Mon désir d’écrire est intimement lié à mon expérience de la disparition de mon univers, un jour d’enfance, pour la froideur de “l’Assistance Publique”.

Ce choc émotionnel violent a aussi été une formidable chance. En faisant mourir celui que j’étais ou que j’aurais pu être, il m’a fait naître à moi-même.

J’ai découvert l’unicité, la possibilité d’agir et l’importance de la mémoire.

Camus écrit dans “L’étranger” : “J’ai compris alors qu’un homme qui n’aurait vécu qu’un seul jour pourrait sans peine vivre cent ans dans une prison. Il aurait assez de souvenirs pour ne pas s’ennuyer. Dans un sens, c’était un avantage.”

Je suis donc devenu autre, et j’ai écrit.

J’ai écrit contre l’oubli, pour me rassembler. Pour chercher où je pourrais me sentir chez moi.

C’est en écrivant que je l’ai trouvé. 

 

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2 Responses to “Pourquoi ?”

  1. RD says:

    “Rieux savait ce que pensait à cette minute le vieil homme qui pleurait, et il le pensait comme lui, que ce monde sans amour était comme un monde mort et qu’il vient toujours une heure où on se lasse des prisons, du travail et du courage pour réclamer le visage d’un être et le cœur émerveillé de la tendresse”.

  2. DL says:

    Il y quelque emps, on osait parler du rôle de l’écrivain dans la société. On le fait de moins en moins, préférant l’efficacité, la rentabilité, notions d’entreprises venues dans la vie de tous les jours… A quoi cela sert-il?

    On évite d’évoquer le sublime de l’art, de peur d’être ringuard. On veut être économiste dans toutes les cordes de la vie… Mélange des genres; abstraction des savoirs devenus indicibles (“Tout ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément”), que les enfants ne comprennent plus.

    Et arrive le “harcèlement moral”, invention moderne mais bien réelle; le travail n’est plus une nourriture, c’est une charge où l’on ne veut plus s’investir, un devoir qui n’a plus rien à voir avec ce que chacun pourrait y exprimer, son savoir-faire, son art. Nos lointains ancêtres du Sud-Ouest ou d’Espagne -rapprochement fortuit!- peintres des parois, étaient tailleurs de silex, faiseurs de lances pour attraper les mammouths ou les rhynocéros laineux, cueilleuses d’herbes pour soigner, ramasseurs de tourbe, etc… etc… et chacun/chacune avait son rôle, exprimait sa sensibilité…). Cela ne signifie pas que tout était mieux (un mal de dents, à l’époque, était une maladie douloureuse et grave: il faut être, actuellement, plus inventif, sur ce chapitre aussi.)! Mais le “métier”, l’une des caractéristiques de l’homme (avec le rire et la conscience du futur, de la mort), était bien visible, compréhensible, transmissible (aux enfants par exemple), présent.

    L’écrivain est là pour parler de sa vie sous toutes sortes de formes et il a certainement un rôle différent d’autrefois mais il a bien ce rôle, soutenir ses frères, leur apporter force et gaité.

    N’est-ce pas à cela qu’on reconnaît l’écrivain dans ces deux premiers livres “qui en appellent d’autres”?